Miel de Rose


Plus je vous considère,
Madame,
et plus je vous trouve de charmes!


C'est que votre esprit
surpasse en splendeur
votre beauté
autant que le soleil
surpasse en éclat la lune!


Et les délices de votre conversation
si plaisante et comme aérienne
sont manifestes à tous les hommes cultivés
qui ont des moeurs aristocratiques!


Cependant, je nourris le dessein
de me contenter
de chanter en des vers parfaits
votre âme
unie à si beau corps,
plutôt que de faire la demande
auprès de vous,
Madame,
de cette ultime faveur
que tous les amants
réclament à leur Bien-Aimée,
c'est-à-dire de dormir
sous les mêmes draps qu'elle
et d'avoir de la sorte
des songes communs avec elle!


Mais, si j'ai mis bas ainsi
mes armes d'amant
et me suis rangé
sous la bannière du trouvère
plutôt que de l'amoureux,
c'est que je trouve plus de grandeur
dans l'acte de chanter
une moderne beauté
et de transmettre de cette manière
à la postérité
quelques traits de sa figure
et de son caractère
que dans la volonté
d'accomplir mes désirs
auprès d'elle
dans le présent!


Car la satisfaction
d'avoir composé
une ode immortelle
en l'honneur d'une dame de qualité
dure éternellement,
alors que la volupté
qui consiste à jouir de son corps
s'éteint ou s'affadit,
dès qu'elle a obtenu
l'objet de sa passion!


Veuillez agréer,
Madame,
ce poème
comme un nouveau témoignage
de mon estime envers votre personne
et de mon amour pour vous
qui êtes une nature
plus douce et plus suave
qu'un automne à Babylone,
qu'un été à Ecbatane,
qu'un hiver au Levant
et qu'un printemps à Suse!


Car vous êtes, en effet,
plus doucement embaumée
que le parfum revivifiant
du miel de rose
et plus pure
mille fois
que les lys des champs!


LE MIROIR ARDENT

RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2006