Le poète lyrique
Il est le vent alizé,
le midi et la Pentecôte potentiels
de tout équilibre probable!
Il est le dompteur,
le multiplicateur
et le jouisseur-maître
du temps!
Il est l'obscur praticien
de la science de la translation
journalière des hommes
autour du soleil d'apothéose,
le doux évangéliste
de l'avènement des nombres,
le penseur très racé
des proportions et harmonies
féminines!
Il est le gai démolisseur
des plus ingénieuses,
des plus coriaces,
des plus tourmentées,
des plus modernes
constructions du spleen,
le gai marteleur,
le gai laboureur,
le partenaire de la roche
cahotante et rébarbative
et joyeuse,
le maçon ivre,
le maçon orgiaque,
le maçon saturnal,
soûl du rythme culminant,
fou de la matière
de plus en plus
allégrement récalcitrante!
Il est le bâtisseur général,
bâtisseur de principes d'oeuvres
plus que d'oeuvres,
le marcheur permanent,
le marcheur total,
le thuriféraire du triomphe
au front de tournesol pur,
mais ocellé des stigmates
bruns de la vie,
par la seule force
du sang reconquise!
Ses poumons sont un phare
magnanime et immortel
de l'Angleterre septentrionale
et occidentale,
équitablement répartissant
les masses de la lumière
entre les volumes
des Saints-Mystères!
Son torse est un châtaigner
cyclopéen de Cornouailles,
cent mille fois millénaire,
un châtaigner paternel
que l'eau des déluges
pantagruélique et gargantuesque
poussa en ligne verticale,
que l'azur vertigineux
coupa par le milieu,
et que les printemps instables
répandirent par les terres
avoisinantes!
Ses cheveux sont des rivières
glauques de Normandie,
conduites par une population
affranchie de timonières
fortunées et hardies!
Ses membres sont des agrès,
des chaînes de mouillage
et des cordes durcies
dans les longs voyages
et les traversées pénibles!
Sa conscience, conscience délivrée,
terrible, totale,
de l'étendue démesurée du monde,
est une grotte de basalte
où rien ne bouge,
ni mal, ni lueur,
ni ombre, ni tristesse,
mais où résonnent
les seules vagues,
majestueuses et martiales!
Son âme est une plaine céréalière
où, par assauts, germent
genétaires, haches d'armes sonores,
machineries prodigues,
pièces d'acier resplendissant,
cognées, heurtoirs,
bastions, tourelles,
donjons, douves, créneaux,
barbacanes et beffrois,
fatalement dégénérant
en paraboles nuptiales
d'aigles impériaux,
en batailles
de blocs d'aimantation,
et en guerres fratricides
d'attirance!
Sa voix, quand elle tonne,
est une enfilade de colosses
en argent plombé,
ceinturant des plateaux
immenses,
entrecoupée de poteaux
télégraphiques,
et qui plonge ses racines
très loin,
du côté de l'Ouest!
LE GRAND RETOUR
PUBLIE CHEZ L’AUTEUR EN OCTOBRE 1980