L'Apothéose de la Beauté


Ô la plus insigne
des jeunes dames de ton temps,
quand j'aurai achevé ta conquête
je me teindrai de cinabre d'Almacén,
comme Camille
quand il triomphe à Rome
ou comme les chefs des tribus éthiopiennes
ou comme les Dieux d'Egypte!


Ce sera un jour marqué de blanc
que le jour de mon triomphe sur toi,
ô fille plus opulente
qu'une province romaine comme la Bétique
qu'aujourd'hui on appelle Andalousie
ou que Corinthe
d'avant son sac
pour les troupes de Rome!


Ta face rayonne
comme si elle était en or des Asturies
ou en écume d'argent de l'Attique!


Or, te consacrer une ode,
c'est appliquer sur le marbre
de ta chair
le soleil de la poésie lyrique,
comme si celle-ci était de l'or!


C'est que, à l'instar des montagnes d'Espagne
qui sont arides, stériles
et impropres à toute culture,
mais qui nourrissent dans leurs entrailles
de l'or,
je suis inapte à la génération
et je ne produis que l'or
de l'art des Muses!


Et c'est faire briller cet or
sur du saphir d'Orient
ou sur du granit d'Egypte
que d'immoler pour toi
les rossignols d'or
d'un jour d'inspiration!


Ô ma belle épousée
dont les yeux sont dilatés
par la poudre d'albâtre
qui teint tes paupières,
agrée cet hymne
en tant qu'il est
une glorification de ton corps
et un honneur suprême
rendu à ton âme
en guise d'apothéose
obtenue de ton vivant!


Et sur l'ivoire pur de ta hanche,
moi de dessiner
avec la sanguine de l'esprit
la figure touchante
de ton coeur enamouré,
cependant que dans ta chaleur corporelle
j'évoque les braises de l'été
où je t'ai pour la première fois
contemplée!


PRUNELLES DE MALACHITE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2006