Face de Porphyre


Tes yeux de porphyre de Lacédémone
et ta face de porphyre d'Egypte
m'ont entraîné dans l'aventure
d'une sédition avouée
contre moi-même!


Car, figure-toi
que depuis que je fraie avec toi
comme avec une carpe d'or,
je ne songe plus qu'à m'emparer
du vase myrrhin de ta gorge
et de ta hanche
polie à l'émeri de Naxos
et qui ondoie
comme un tourbillon de quartz
et comme une nue
de typhon de volupté
au Tropique du Cancer!


Je te pardonne, cependant,
de m'avoir en quelque sorte
fait dériver loin de mon port d'attache,
car tu mets joyeusement en branle
l'horizon, jusqu'ici immobile,
de ma vie,
tu m'arraches aux eaux de Stymphale
où je suis enlisé
jusqu'au cou
dans la vase d'une introspection indésirée
et tu éveilles mon âme
engourdie dans l'absence d'espérance!


Et mon coeur de battre fougueusement
à la vue de tes cuisses
qui évoquent par leur forme
et par leur couleur
les colonnes des labyrinthes de Crète
et qui, revêtues de ton pantalon
en peau de serpent,
semblent faites
en ophite égyptien!


Or, ton corps tout entier
suggère le plaisir qui émane
de la contemplation
de l'Aphrodite de Praxitèle,
celle précisément
à qui les prudes habitants de Cos
avaient préféré
une autre, plus austère,
et qui, pourtant, aujourd'hui recueille
tous les suffrages des savants unanimes!


Et, il semble que la Déesse elle-même,
de même qu'elle s'était intéressée naguère
à l'oeuvre d'art
du plus fameux des sculpteurs
après Phidias,
de même, à l'heure qu'il est,
elle porte intérêt à toi
comme à un chef-d'oeuvre
de la Nature!


SANG-DRAGON

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2006