Les Verres Magnifiques
Au pied du Mont Carmel
de ta matrice fertile,
dans la Phénicie de volupté
de ta hanche ductile,
à côté presque de la Judée de chasteté
de ton nombril d'hyacinthes,
il est un étang appelé Candebia,
où prend sa source
la rivière que les Phéniciens
nomment Bélus
et dont le cours est lent
et l'eau malsaine à boire!
Et pourtant, cette rivière est vouée
à la religion de l'amour!
C'est qu'elle a un lit profond
et elle se jette dans ta Méditerranée,
c'est-à-dire dans la mer
du milieu de ton corps!
Et les sables de son lit
de briller au soleil,
après le reflux de ta mer!
Et moi, marchand exotique,
venu du pays d'Ophir,
situé dans l'archipel des Moluques,
j'apporte à ta rivière
le nitre du désir!
Mon nitre,
réuni à tes sables
par la flamme du plaisir
qui les embrase tous les deux,
produit des ruisseaux transparents
d'un singulier
et très vif éclat
qui est celui du verre,
verre de Sidon dans l'antiquité,
verre de Venise dans la modernité,
verre tantôt blanc
comme le cristal de roche,
tantôt coloré
comme le saphir, le lapis lazuli,
l'émeraude, la turquoise
ou l'améthyste,
tantôt verre sur lequel
l'on a peint la scène de notre étreinte
sur ce lit de pourpre
qui a vu la conjonction
de nos deux étranges destinées!
Or, je chanterai ici
le feu de l'amour,
ce même feu qui vainc,
en le domptant,
le fer des âmes rigides
et qui purifie l'or des coeurs
enclins à la passion d'aimer
qui n'est autre
que la passion d'être!
Oui, c'est un feu sacré
qui consume
autant qu'il engendre
et qui détruit
autant qu'il régénère
pour le plus grand bien
de dame Nature!
Et, à travers ces verres magnifiques,
créés par notre commune volupté,
moi de contempler ton image étonnante!
En effet, tu me parais alors
comme une jeune femme
d'une resplendissante
et féerique beauté
et qui tient dans sa main droite
un flambeau pur,
et, dans sa main droite,
une palme smaragdine,
attitude qui signifie
que tu me décernes
le prix de la vaillance
pour t'avoir vaincue
au combat de l'amour!
SANG-DRAGON
RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2006