La Fine Maîtresse


Les courbes des montagnes de Grèce,
dessinées au calame de la félicité,
pâlissent devant les roses
et les jasmins de ta jouvence,
unis à la tulipe ivre de ton coeur
auquel l'aigle de mon sang
donne la couleur rouge du martyre!


La rose marine
qui est en ta possession
exhale les arômes les plus ensorceleurs
de ton âme,
les arômes même qui me bouleversent
et m'émeuvent profondément,
tant que des larmes
gouttent de mes iris,
noires comme le musc de Tartarie
de ta chevelure balsamique
et comme les caroubes longues
de tes sourcils
qui sont des flèches
qui saccagent le jardin de la solitude
et des cavaliers nomades
qui pillent le trésor
de la vie casanière
et des corsaires barbaresques
qui emportent le vaisseau du pucelage
et l'emmènent dans les parages
de l'île d'Andros
où résonnent leurs rires
destructeurs du calme plat!


Cependant, sur les monts
qui dansent en rond
tout autour d'Athènes
s'accumule comme la neige du printemps
mon désir pour ton corps délié,
pareil au palmier qui croît en Arabie
et au dattier de Barbarie
aux fruits vermeils
comme les bouts de tes seins!


Et ton pubis lui-même
semble un figuier de Naxos
dont les figues auraient
la peau extérieure verte
et seraient vermeilles à l'intérieur!


Par ailleurs, la modestie spontanée
de ton regard
franc et parfumé
comme le thym de l'Hymette,
et la réserve pudique
qui se dégage de ta personne
valent plus que les cités
les plus resplendissantes du monde
et que tous les lagons tropicaux
et toutes les drachmes d'or
des Califes de Baghdad, de Damas,
du Caire et de Cordoue!


J'aime jusqu'à ta langue rose
qui parle aux rossignols
et jase avec les jasmins
et jusqu'à tes chevilles
qui sont le clair de lune
du rêve le plus chaste
et le plus pur!


Oui, je veux me lier avec toi
par les promesses, par la foi
et par les serments
comme avec ma dame et ma compagne,
mon épouse et ma seigneuresse
à qui je voue une fidélité d'esclave
envers sa fine maîtresse!


LES DOUX ANONS DU PLAISIR

RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2005