La Vénus de Botticelli
J'userai de toutes les ressources
de mon éloquence
afin de célébrer une beauté
et une grâce
qui n'ont jamais existé,
aussi loin que l'on remonte dans le passé,
et qu'on ne verra plus,
même dans un futur lointain!
Or, cette beauté
et cette grâce divines,
ce sont les tiennes,
ô joyeuse dame
dont la croupe est une armée royale
étalée autour de la citadelle
où je me morfonds inutilement,
sans un rayon d'amour,
tout seul dans la froidure
et la décadence,
sans amis
et sans Muse,
privé et spolié de ces alcôves
où je pourrais, assis
au coin du feu,
confesser ma passion pour les dames
et déclarer mon désir de connaître
une romance longue comme la vie
et que j'emporterais
dans le tombeau
avec mes armes de guerrier gaulois!
Excuse, ô lecteur savant,
ce langage hyperbolique,
mais j'estime qu'un art
privé de tout sentiment
d'orgueil, d'humilité ou d'amertume
ne serait qu'une incitation au meurtre,
doublée d'un monumental ennui,
et je crois qu'au contraire
le trouvère devrait être,
aussi bien à la ville
que dans son oeuvre,
le déni incarné
de la dictature moderne des machines,
parfaitement indifférentes,
et le principal rempart
supportant le poids colossal et monstrueux
d'une humanité de termitière!
Oui, ô fille plus gaie qu'une alouette,
ton corps, animé par un coeur vainqueur
et par un sang chaud
de princesse grecque,
nage dans mes bras
comme une carpe dans un étang
ou comme une dorade rose
dans la mer
ou comme un petit tigron
dans le giron de son géniteur
ou qu'une toute jeune vachette
qui se rafraîchirait
dans le lac de Trasimène!
Oui, tu es belle et suave
comme les pinèdes du mont Orope
en Béotie
et ton sein est semblable
à un mouillage du golfe d'Eubée
comme Aulis
où les nefs dansent
au son des lyres d'Orphée
ou des flûtes de Pan
ou des cithares
inventées par Hermès
et jouées par les doigts enchantés
d'Apollon
qui ne tolère d'autre citharède
que lui-même!
Et quel poème
sonore comme l'éternité
chanter devant ta hanche
à l'essence ineffablement douce,
somptueuse comme un platane en automne,
et immaculée de blancheur
comme un amandier en fleurs
ou comme un cerisier de geisha
en Avril
ou un nymphéa de Monet!
Or, seul un tableau impressionniste
pourrait rendre compte avec succès
de la suavité de miel
de ta hanche
devant laquelle je m'incline
comme si elle était une statue de marbre
représentant quelque Déesse
du Panthéon grec!
Et la flamme de tes prunelles
de mer Rouge
de resplendir fulguramment
dans le ciel majestueux de l'Attique
comme une figure de proue
de navire viking
et comme la Vénus Anadyomène
de Botticelli!
LES ENFANTS DE LA LUNE
RECUEIL INEDIT. JANVIER 2007