La Couronne de Glycines


M'adressant au peuple
réuni à l'agora,
j'ai posé cette question:
-N'y a-t-il, parmi vous,
une jeune fille qui puisse enchanter
mes jours et mes nuits?


-N'y a-t-il pas une jouvencelle
au tronc de ruisseau de roses,
à l'haleine de belle-de-nuit,
à la démarche de gazelle apprivoisée,
à la hanche de harpe de David,
au buste de luth d'Ispahan,
aux prunelles d'améthyste persane,
à la face d'hyacinthe et de narcisse,
à la chevelure de diamant non coupé,
aux mains de nacre,
à la taille tracée au corail,
aux pieds d'amour moghole,
à l'esprit de colonne du Palais Céleste,
au coeur immortel de cygne blanc
et à l'âme de tourterelle
se désaltérant dans des eaux printanières?


Et le plus chenu d'entre les citoyens
de me répondre, au nom de tous, ceci:
-Hélas, mon fils!
-L'Oecumène n'élève plus
ni femelles d'aigles,
ni cygnes féminins!


-Oui, nous n'élevons plus
que des canards aux ailes crottées,
car c'est plus prudent!


-Je comprends ta peine,
ô toi qui est le dernier mâle
d'entre les cygnes!


-Ton destin sera de te tourmenter
toute ta vie,
craignant la mort,
tremblant de peur dans ton lit
pendant les nuits glaciales
de l'hiver
ou t'inondant de sueur
aux aubes d'été!


-Or, tu mourras sans héritiers
et tes seuls enfants seront
tes chants!


-Fasse le ciel
que tes chants ne périssent guère,
mais qu'ils germent
comme des glycines
sur le front des vierges hindoues!


LA COURONNE DE GLYCINES

RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2007