À Une Houri
Ô houria bien-aimée,
quoi que tu fasses de moi,
que tu me jettes à la mer
ou que tu me laisses mourir à tes pieds,
je serai toujours l'acheté de ton coeur
et l'esclave reconnaissant de ton âme!
Par la Madone et par tous les saints,
quoi qu'il advienne,
que le vent souffle
ou que la foudre tonne,
je demeurerai à jamais
une île dans ton océan,
un galet dans ton torrent,
une goutte de ta pluie,
un coquillage sur ton rivage,
un coucou dans ton jardin,
un fruit dans ton verger,
une pâquerette dans ta prairie,
une rose dans ton parc,
un astre brillant dans ton ciel d'été,
un oeillet rouge dans tes cheveux printaniers,
un anneau d'améthyste
sur ton nez de vierge indienne,
un rayon d'argent de ta lune,
un rayon d'or de ton soleil,
un jet bleu de ton Sirius,
une malachite de tes cils gemmés,
une épée damasquine
de tes sourcils sorciers,
un poignard de Tolède
de tes yeux noirs,
un sabre d'Ispahan
de tes prunelles adamantines,
un saphir de la nuit de tes paupières,
un corail de l'atoll de tes lèvres,
un narcisse de tes joues parfumées,
un grain de beauté
sur ton menton de satin!
C'est que tu es une jouvencelle
de race royale!
Ta démarche est
la démarche d'une perdrix de montagne
et ton port de tête est
plus magnifique que le port du soleil
quand il se lève
d'entre les monts de l'Orient
et quand il se couche
dans la mer d'Occident!
Ton front est l'habitacle
de la Reine des Cieux
et cette couronne de fleurs d'oranger
sur ta tête
est le sceau nuptial d'Aphrodite,
cette Déesse qui éternellement
pleure Adonis,
son époux défunt
pour qui les filles et les femmes de Chypre
versent tant de larmes chaque année,
à la même date!
Ton cou est plus onduleux
que le cou d'un cygne
qui chante pour la dernière fois,
car chaque soir
ton soupir est si beau
qu'il semble l'ultime étincelle
d'une vie de chants pathétiques
comme des soupirs!
Tes épaules et tes bras
ne semblent pas contenir d'os
et tout y paraît formé
d'un embonpoint charmant,
ce à quoi tend idéalement
à ressembler
la chair de la femme:
à un velours sans nulle rugosité,
à une soie sans aspérité aucune!
Ton sein est une bonbonnière
en tulle tissée de Pléiades
et dont les dragées ont la saveur
du miel d'Attique
ou de Sicile!
Je suis transporté
et ne veux plus vivre
quand tu te balances
sur ta taille plus menue
qu'un poil de zibeline!
Ta croupe à l'impériale majesté
et à l'ampleur de gloire
et au tumulte de révolution
et à l'éloquence de résurrection
prend alors l'importance folle,
démesurée comme une haute montagne
ou comme un continent
d'un rossignol qui chante
au-dessus de ma fenêtre,
perché sur l'altissime cyprès
de l'amour fou!
LES DOUX ANONS DU PLAISIR
RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2005