Le Chant de la Trompette Dernière


À travers les rameaux dénudés
des blancs peupliers,
je vois se dessiner ta figure,
ô déesse guerrière
dont les prunelles sont
de fraîches fontaines de l'Eden
et le regard un diamant de feu et d'amour
plongé dans l'océan sonore
de mon âme
qui se brise sur ta grève,
ô Mahamaya,
Dame universelle
et principe même de la femme
par ton mystère et ton charme!


Tu jaillis de la montagne magique
de la pensée,
armée de pied en cap
comme Zarya,
la déesse de l'aube slave
ou comme Dilbah,
l'étoile du matin de Babylone
ou comme Anahita,
la péri iranienne
couverte d'or astral
ou, enfin, comme Durga,
l'Amazone du Rajasthan!


Tu t'élances dans les ténèbres
de la nuit la plus profonde,
montée, tantôt sur un aigle de Crète,
tantôt sur un blanc bélier,
tantôt sur une lionne de Mauritanie,
tantôt sur un vaisseau amiral,
preneur de ports de guerre,
ou sur une catapulte
démolisseuse de murailles de bronze
et de châteaux d'acier!


Comme une chevalière
bardée de fer,
tu pars en guerre
contre les plus hautes forteresses
de ce monde,
tenues par des démons terribles
dont chaque goutte de sang
tombée à terre
donne naissance à un nouveau démon,
encore plus effrayant
que le précédent!


À force de te battre
toute seule
contre des dragons enflammés,
ta langue est devenue sanguinolente
et tes mains même sont sanglantes
d'avoir donné des coups
à tant d'ennemis!


Et dans ta danse frénétique
de la désespérance et de la joie,
tu piétines des crânes innombrables
d'hommes et de femmes
tombés sur le champ de bataille!


Pourtant, tu es une bonne nature!
Oui, tu es la déité du Bien
terrassant le djinn noir,
né des oeuvres de Satan,
et restaurant la muraille de Chine
qui protège l'univers
des hordes barbares
le menaçant,
ou la Longue muraille d'Athènes
qui sauve la ville Sainte
des convoitises médiques
ou spartiates!


Et moi de peindre avec du musc de gazelle
sur mon poétique canevas
ton yoni ou ta vulve
dont le sang menstruel
j'offre en libation aux Dieux,
le préférant au sang d'animaux
ou d'enfants ou adultes
qu'aiment répandre sur les autels
les prêtres brutaux de Mardouk!


Car dans ton sexe
réside le coeur de la terre
et dans ton propre coeur
l'Âme de l'Univers!


Et moi, le métaphysicien
qui tire mon énergie
de ta grande force,
ô dame, ô mère,
de monter un à un
les degrés de marbre
qui mènent au sommet
du temple de l'Esprit!


Mais, si je suis métaphysicien,
je suis aussi un anéantisseur!


Car je suis le démolisseur
du gratte-ciel le plus haut
de la terre,
celui de la Négation!


Et toi, ô Mahakali,
de me guider
dans ma volonté de démolition
de la tour de la Haine!


Or, je suis le dernier guerrier
resté debout,
et de mon sperme surgira
une nouvelle engeance de Salomons
qui deviendront Rois d'Israël
et réédifieront le Temple
sur les lieux même
où le Christ ressuscita
d'entre les morts!


Car, non contente d'être
la Mahamaya hindoue,
tu es aussi Marie de Magdala
ou Madeleine, la Bien-Aimée
du Fils de l'Homme!


Mais, pour le moment, ô sages de Chine
et d'Inde et d'Iran et de Grèce,
préparez-vous au combat!
La trompette dernière
invitant à la bataille suprême
sonne!


Par amour pour notre Déesse,
notre femme et notre mère,
agissez,
si toutefois vous avez des oreilles!


LE JASMIN DE JUDEE

RECUEIL PUBLIE CHEZ ENCRES VIVES. SEPTEMBRE 2007