Hymne à Artémis


Ô Artémis, toi la femme,
toi la mère,
le lait nourricier que tu me prodigues
me sustente tout entier,
coeur, âme et esprit!


Et quand, des entrailles du Tartare
souffle la bise du malheur,
tu me consoles de ton humble,
de ton pauvre sourire
de Madone de la Pietà!


Et, non contente de me consoler,
tu me protèges aussi
des démons sanguinaires
et des dragons de feu
qui m'en veulent de t'avoir révélée
dans toute ta majesté
aux yeux étonnés
d'une humanité exsangue
et guère créatrice de symboles
de force surgissant
de l'utérus des femmes!


Certes, ce n'est pas un hasard
si, naguère, les fillettes d'Athènes
se vêtaient d'une peau d'ourse
afin de te célébrer
dans ton sanctuaire attique de Brauron,
ô Déesse de l'instinct naturel
qui ressembles à une ourse
mettant bas durant son hibernation
au sein de la terre!


Les Grecs ont donc raison
de te tenir pour une divinité maternelle
disposant de la puissance génératrice
de la terre!


Et voilà pourquoi les Ioniens
te consacrèrent un temple magnifique
à Ephèse, où ta statue,
noircie par les baisers de tes adoratrices
et de tes adorateurs,
et portant une multitude de mamelles
se dressait dans l'Adyton,
le Saint des Saints!


Et les anciens de rapporter
que, du lait d'une mère,
des étoiles peuvent naître,
comme le prouve la légende d'Héraclès,
ce demi-dieu, ce héros
et cet ascète qui, alors qu'il n'était
qu'un nouveau-né,
il suça avec tant de vigueur
le mamelon d'Héra,
que le lait qui en jaillit
se transforma sur-le-champ
en une manne céleste,
en une surnaturelle neige,
et en une poussière d'astres!


Et cette poussière, en se coagulant,
devint la Voie lactée,
la Galaxie des Hellènes!


Mais, avant même
que tu m'offres ton lait,
je t'étais relié à ta chair
par le cordon ombilical,
ce cordon nourricier
qui a l'apparence
de deux serpents entrelacés!


Voilà pourquoi, ô Déesse,
ô Mère,
on t'associe au serpent
de la sagesse!


C'est aussi la raison pour laquelle
les âmes des vilains
voient en toi une vilaine tentatrice
et tiennent le serpent
pour une créature dénaturée!


Or, non seulement tu n'es pas une pécheresse,
ô Déesse auguste,
mais tu es un ange du ciel
et le souffle même
de l'être humain!


LE JASMIN DE JUDEE

RECUEIL PUBLIE CHEZ ENCRES VIVES. SEPTEMBRE 2007