Hymne à l'Aurore


Ô ma première amour,
tu avais quelque chose du paradis
d'une aube de Mai attique!


Et Vénus brillait sur ton front de neige
comme le croissant et l'étoile du matin
sur l'étendard vert de Mahomet!


Pourtant, je t'ai quittée
presque sans regret!


Car je suis comme le soleil
qui ne s'attarde guère
à sa première amour,
l'aurore,
aussi belle fût-elle!


Et je me suis élancé
dans l'azur pur de nuées,
vers mon fastueux,
mon terrible midi
où la sueur dégoulinait
sur mes tempes,
cependant qu'Apollon
m'aveuglait de ses flèches
qui ne manquent jamais leur but!


Après le vertige de mon midi,
l'heure vint du repos,
l'heure de la sieste
sur le mont Latmos!


Puis, ce fut une après-midi voluptueuse
où, riche des sortilèges de mon art,
j'ai joui de mille et trois
belles femmes de Turquie,
d'Espagne et d'Italie,
cependant que j'étais étendu
à l'ombre d'un cognassier de rêve!


Et c'est alors
que, aidé des pastourelles
Phaéthuse et Lampétie,
j'ai composé mes plus belles mélodies
sur ma flûte de bouvier du troupeau
des vaches solaires
qui paissent sur ma terre fertile
de Sicile
ou de Trinacrie,
comme l'appelaient les anciens Hellènes!


Présentement, je suis un soleil couchant
dans la mer pourpre
d'un crépuscule de Lisbonne!


Et bientôt descendra la nuit
parfumée de jasmins
qui naguère avait accouché sous un palmier
d'Apollon le Lycegène,
le seigneur de la lumière,
à Délos la Brillante,
la Reine des Cyclades!


Car cette nuit cycladique
porte en elle
la semence d'un jour nouveau
où je resplendirai à nouveau
comme le soleil de l'aurore!


Et, alors, je t'aimerai
comme par le passé,
ô Aphrodite tendre
comme une matinée de Mai!


LES RAISINS DE L'AMOUR

RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2007