À Un Soleil


Tu es mon Soleil qui étreins les nues,
mon cygne de Trévise,
mon canal de Venise!


Afin de te faire paraître
à la fenêtre de ton palais de brique rose,
je chante notre liberté
loin des chaînes du monde,
sur les routes de cristal de la terre
qui se terminent par une tempête de quartz
ou par un tourbillon de sucre!


Tout légers nous tomberons comme la neige
sur le pont Alexandre!


Et avec élan nous grêlerons
sur les yalis du Bosphore,
cependant que joyeux nous pleuvrons
sur Coimbre un matin vaporeux de Septembre!


Nous serons le chocolat chaud
que boira un homme d'esprit
dans un café de Biarritz ou de Bayonne,
ou la crème Chantilly
dont se délectera une petite marquise,
de celles qui tiennent compagnie
à l'Infante d'Espagne!


Nous serons deux serins des Canaries
qui bercerons de nos trilles
une petite amoureuse
qui rêvera sur son balcon
de sa ville où il fait bon
attendre le crépuscule
et vivre l'éternité dans la coupe
de l'instant qui passe,
tout paisible, tout merveilleux!


Nous serons le dessin naïf
d'un couple de lions
sur une nappe de batiste
que brodera une nonne de Grenade!


C'est que notre liberté
n'est pas quelque tyrannie de prison,
mais le conte d'un pêcheur
assis sur la grève
où il voit arriver un vaisseau
qui porte des fées
sur sa proue amidonnée
comme la fraise d'un grand de Castille!


Elle n'est pas non plus
la lubie d'une jeune malapprise,
livrée à elle-même
et perdue dans l'océan de l' Illusion,
mais la liberté acquise
au péril de son sang
comme une grenade mûre,
comme un fruit parfait!


TEMPETE DE QUARTZ

RECUEIL INEDIT