L'Egyptienne


Ô belle Egyptienne, ô fille de rêve,
je nourris depuis longtemps
le dessein légitime et plein de loyauté
de pénétrer ton esprit
tranquille et nonchalant
où dort Aphrodite
en compagnie des cygnes
et de sonder ta chair
tendre comme un lac d'Abyssinie
et fraîche comme une source de Nubie
où viennent s'abreuver
petits ânons et belles gazelles!


Je ne manquerai pas pourtant
de te dire des mots d'amour
étonnants, voire stupéfiants
et qui porteront sur un plateau d'or
des ananas et des bananes
destinées à toi,
ma dame et ma déesse,
à toi et à tes sens
que je bénis
et accueille dans mon sein
comme un oracle de Thèbes aux cent portes
où Ammon en personne
me prescrirait de te renverser
et de te pénétrer
et de te baiser sur les yeux
où se couchent les Pléiades
et s'assoupissent les biches de la lune!


Cependant que la giboulée de Février
s'acharne sur le toit
de l'estaminet où je m'attarde
jusqu'aux premières lueurs du crépuscule,
je me refais une santé
et je me renouvelle le sang
rien qu'en songeant
à l'étreinte de cette aube
où nous avions lâché nos lévriers
dans une oasis du Hedjaz,
à la recherche de daines!


Le superbe quinquet
qu'est ta croupe
me suggère par son balancement
dans la brise de mer
les jardins suspendus de Babylone,
voire le paradis des Croyants
aux houris suaves comme les dattes du Liban
et dont la conversation,
agréable à l'oreille du sage,
est à la fois savante et charmante
et pleine de saillies d'imagination
et de bons mots
qui sont autant de manifestations
du sel attique, arabe ou castillan!


Dans cette course folle
où d'un seul jet
m'emporte mon âme
à la recherche des voluptés sereines
que seule accorde à l'être humain
la contemplation de la nature
à travers l'amour partagée,
je ne rencontre
que tes noires prunelles damasquines
qui m'assassinent
et tes orifices
baignés d'huile
d'olivier des îles!


Ainsi, je porte à son accomplissement
le sacerdoce à moi offert en présent
avec la toge de magistrat
et la tiare de pontife
par la Paphienne
aux yeux de topazes!


LA DEESSE DES PROMONTOIRES

RECUEIL INEDIT. MARS 2005