À La Licorne


Tu es pour moi
le temple fameux de Coricancha
où les Péruviens adorent la lumière,
enlevant à son entrée leurs chaussures
et teignant l'idole du soleil
du sang de leurs Bien –Aimées!


Tu es le royaume de Vilcabamba
survolant les cimes des Andes
où mon ancêtre l'Inca Manco
s'est réfugié pour fuir les vautours
venus de la mer du Sud
et d'où le dernier roi Tupac Amaru
est parti s'immoler
dans un sacrifice panaméricain!


Que vitement on porte ta figure
au théâtre des Indes occidentales,
parmi Atahualpa, son frère Huascar
et les hommes- dieux de Castille
qui ne sont que des démons mortels!


Tu es mon âme qui larmoie
de petites nues blanches d'été
depuis que les wagons de l'Eden
se sont arrêtés dans la nuit étoilée
de Grenade
et ont quitté les montagnes,
vaincus par les sphinges énigmatiques!


Me résoudrai-je à briser
le noeud qui m'enserre
comme un jaguar entre ses griffes de granit?


Me déciderai-je à combattre
l'anaconda qui me brise le coeur,
dont il se nourrit
comme d'un stimulant de puissance génitale?


Casserai-je avec la hache
du guerrier au visage peint en rouge
la muraille en torchis
qui t'enferme dans la ville inaccessible
où tu t'es retirée,
loin de la rumeur des cordillères du Chili,
dans la cité du silence
des espaces sidéraux?


Oui, je suis celui qui parle aux arbres
dont les feuilles et les branches
sont des astres dotés de parole révélée
par les anciens du Guatemala,
et je te parlerai
comme on parle avec son soi véritable
qui n'est ni tout à fait un dieu,

mais qui est plus qu'un homme,
plus qu'un femme,
une chaste licorne!


TEMPETE DE QUARTZ

RECUEIL INEDIT