Prière À Clotho
Avec les flèches empoisonnées
De l'angoisse
Plantées dans ma poitrine,
Ainsi qu'il sied à une passion métaphysique,
Tout entier secoué
Du râle des agonisants
Plongés dans des regrets infinis,
J'invoque la Première des Parques,
Clotho la Bien-Nommée,
Vierge archaïque
Tissant la tunique de ma destinée misérable
Comme celle de tous les héros
De ce monde,
Et La supplie humblement
De me rendre la fortune
Qui s'en est allée
Le jour tourmenté
Où le fiel qui s'amassait
Comme un pus dans les plaies
Que tu t'es faites à toi même
Tout au long de ta vie,
Ô Bien –Aimée que je hais
Et j'adore,
Te rendit terrible comme une Érinye,
Pareille à Alecto l' Implacable,
A Tissiphone La Tueuse
Et à Mégaera La Houleuse,
Telle une mer furieuse
Prisonnière d'un nue noire
D'orage!
Considère donc,
Ô Parque impénétrable et noble,
Considère que mon Ophélie
Gît parmi les nénuphars,
Noyée dans une rivière de rêve,
et que depuis j'erre
Dans le labyrinthe inextricable
D'un soliloque
D'où la Grâce est absente
Et que toute Divinité a abandonné
Comme un navire mortellement blessé
Dont je serais l'unique survivant,
Aux vêtements déchirés,
Au corps amaigri
Et lacéré de mille coups de couteau,
Au regard égaré,
Au visage émacié,
A l'âme contrite,
Livrant un combat impitoyable
Contre les Gorgones du Couchant
Qui l'attaqueraient de toute part,
Vengeant ainsi
Le meurtre par décapitation
De leur soeur la Méduse
Perpétré à l'aube des temps
Par Persée, avec l'instigation d'Athéna,
Quand les Olympiens
Menaient la barque
Du Vaste Univers!
Ô Moira impassible et mystérieuse,
Ramène-moi au havre
Où les mouettes entourent
Cette amie mienne,
Objet de ma prière à Toi,
Ô Clotho encharmesse,
Aux cheveux ceints
Des serpents savants
De la Nuit Étoilée d'été!
Ô Vierge minoenne
Ou mycénienne, à la longue tunique,
File à nouveau
Le fil de cette amour
Dont les cygnes insaisissables
Trompettent dans la plus sauvage
Des solitudes,
Les blanches plumes
Maculées de leur sang
Uni à leur chant!
LES FORGES DE LA LUNE
RECUEIL INEDIT