Le Champ De Ruines
Mon amour est un champ de ruines
Recouvert d'herbe folle
Où quelques tigres se prélassent,
S'offrant au Soleil du Pendjab,
Sous des essaims d'oiseaux noirs!
Assis sur un fragment
De statue de Lakshmi,
Je récite des poèmes de Kabir
A faire vaciller
Pagodes et mosquées!
Aux alentours quelques tavernes fument
Où les disciples d'Omar Khayyam
Se ruinent pour une coupe de vin de Chiraz
Et pour une fille aux yeux noirs
Qui les ramènera au paradis perdu
Comme des doux agneaux
Que l'on amène au sacrifice de la félicité
Ou comme des taureaux rêveurs
Que l'on conduit à l'aire du blé
Afin qu'ils s'ébattent
Avec la plus belle des génisses!
Ô Seigneur qui Seul
Possèdes la Vérité,
Pourquoi donc les femmes
Refusent de reconnaître
L'héroïsme des hérétiques
Qui sont tous des Saints,
Tremblants, il est vrai,
Et inquiets, prêts à s'enflammer
Pour une plume de paon,
Pour une fleur de cerisier
Ou pour une graine de grenade?
Telle est la question
Qui me hante
Depuis que ma Bien –Aimée
Me fait la guerre
Pour une virgule de moins
Ou de plus,
Pour un tréma ou un accent grave,
Toutes choses secondaires en soi,
Mais qui sont des manifestations
D'esprit païen
Pour les prêtres et leurs victimes,
Ces brebis égarées,
Prêtes à s'immoler
Sur l'autel des divinités de fiction,
Aussi fausses que les dieux
A qui les Incas
Sacrifiaient leurs vierges,
Filles du Soleil!
Cependant, bien qu'humilié
Et offensé par les prêtres
Et leurs ouailles à la dérive,
Je dors la nuit
Comme un juste!
Car je sais que mon âme
Touche de ses ailes
De papillon léger
Le Royaume de la terre
Qui est partie intégrante
Du Royaume des Cieux!
LES FORGES DE LA LUNE
RECUEIL INEDIT