La Spartiate


Ô belle Spartiate
dont les yeux sont des gouttes d'astres
dans l'Eurotas de gloire
ou des rayons de lumière des Pléiades
dans la mer de Cythère
ou des flammes impériales
dans le ciel pur de Laconie
ou des comètes de perles de braise
électrisant la nuit
et laissant ébloui le poète
pénétré de ta noblesse
au teint ardent,
remets ce costume antique
que fièrement tu portais,
il y à peine trois générations
de jeunes filles,
le costume même par lequel
tu communiquais ta sveltesse de cyprès
et ta douceur de miel
aux oliviers, aux vigneraies
et aux vergers du Péloponnèse,
ces chefs d'oeuvre de la nature
qui semblent s'animer
au contact de ton corps gaillard
et de ton âme
de souveraine de Lacédémone!


Laisse ces vêtements
dont la coupe a été adoptée
par tant de vierges dignifiées
depuis la plus haute antiquité
jusqu'au seuil de la modernité,
laisse-les sur quelque rive étonnée
de la rivière de Sparte
pour te baigner dans l'onde d'or,
après avoir dénoué ta chevelure
qui recouvre ta hanche, bonne
comme un rideau de lit à ciel,
un de ces lits de reine
dont Homère nous livre le secret
caché par les siècles de plomb!


Ô toi, la plus loyale des épouses,
qui dans un moment de fureur amoureuse,
quittas ton maître et seigneur,
le vaillant Ménélas,
pour suivre ton amant teucrien
à travers la mer Egée
jusqu'au rivage d'Asie
et la ville de Troie, sa capitale,
puissent les Dieux pénates de l'Hellade
se montrer indulgents pour toi,
en t'accordant une heureuse destinée,
puissent les sages gérontes
qui composent le Sénat auguste de Sparte
te pardonner
comme les juges athéniens
pardonnèrent Phryné
pour cause de beauté!


Ô jeune femme bien née,
tu résumes en ta personne
l'histoire à peine connue
des femmes de Grèce,
à la fois graves et enjouées,
espiègles et honnêtes,
vertueuses sans être sauvages
ou farouches comme des barbares,
parfois saisies d'emportements terribles
qui peuvent conduire à la faute funeste,
voire au crime,
souvent détestables belles-mères,
et malveillantes ou ambitieuses
épouses de grands,
mais fréquemment
bienveillantes et affables
et suaves jouvencelles,
pareilles à des princesses de sang
couronnées des roses
et des fleurs de myrte du mariage!


LE TRAGEDIEN DU SOLEIL

RECUEIL INEDIT. MARS 2005