Du Bien Aimé
Je voudrais que le Seigneur
te châtie de ta foi de papillon volage,
de ta duplicité foncière,
de ta cruauté inouïe
et de ton dédain persistant,
toutes choses dues à ton élévation
incomplète, voire absente!
Or, sache que le poète
chante sans arrêt la Bien- Aimée
car rien, ni les monts ni les plaines,
ni les vallées, ni les ravins,
ni les mines souterraines,
ni les astres du Ciel,
ni les nues du crépuscule,
rien, absolument rien,
ne vaut la rose aimée,
le cygne rêvé,
l'étoile élue,
le coeur choisi,
la fille aimante
ainsi qu'une prêtresse,
ainsi qu'une Déesse!
Qu'importe à la Bien Aimée
les défauts du Bien Aimé,
son peu d'habileté
dans les arts mécaniques,
son geste maladroit,
sa vue faible!
Que lui importe
qu'il soit mauvais pêcheur,
inapte chasseur
et qu'il gémisse d'amour?
Il est l'Ami, il est l'Homme,
il est l'Amoureux!
Par lui, tout est,
tout existe,
tout dure!
Il n'a rien à offrir,
ni pierres fines
ni beauté singulière,
ni régularité classique des traits,
ni conversation élaborée,
ni éloquence!
Il est le Bien –Aimé
comme le Christ est le Fils de l'Homme!
Il est celui
dont les larmes baignent le Soleil
et parfument la Lune!
Il ne parle pas, il contemple
mais son silence est plus parlant
qu'une prairie au printemps
ou qu'une source
ou que le firmament étoilé!
Il est la destruction de l'illusion,
il est la voyance,
il est la prière dite à genoux
devant les icônes des saints!
Tu me reproches
de ne songer qu'à l'amour!
Ne sais-tu pas
qu'on appelle ainsi
l'attirance exercée par la Lune
sur la mer
et par les Soleils sur les planètes
et qu'en dehors de l'amour
rien n'est,
rien ne pourra jamais être?
Tu trouves méprisable
que j'ignore l'objet de tous mes poèmes
qui est la femme!
Or, qui sinon l'amant infortuné
ne soupirant qu'après une seule aimée
connaît l'âme féminine!
Il connaît comme le Prophète Sait,
sans être ni prêtre, ni anachorète,
ni lettré, ni savant!
Il est le Sage
car il est le Parfait! Amen!
LE PAGODIN DELICAT
RECUEIL INEDIT. MARS 2003