La Complainte Du Non-Aimé
Loin de ma peine infinie,
lourde comme la peine de Sisyphe
ou le supplice de Tantale,
et supportée
dans le silence d'un désert
d'où toute figure humaine
est absente,
je voudrais trouver le repos
parmi les plumes de tes hanches
larges comme l'estuaire du Tage
à Lisbonne
et charitables
comme la Tour de Belèm
l'est pour le marin portugais!
Là, étendu,
le torse nu,
dans ton bassin
comme dans une mer tropicale,
je rêverais à mon aise
du pays
aux chants d'oiseaux inconnus
où les rizières
alternent
avec les champs d'ananas,
où le Désir fermente
comme à Chuao,
village du Venezuela,
fermentent les fèves de cacao,
cette boisson précieuse
où les négresses
descendantes d'esclaves
mettent tout leur savoir-faire
et toute leur âme,
alimentant en luxure
la noble Italie!
Comme j'aimerais,
ne serait-ce
que le bref instant
du passage d'un train merveilleux
ou d'un tramway vaporeux,
caresser tes fesses
dont profitent des amants
sans yeux, ni oreilles
et qui jamais, oh! jamais,
n'accéderont à l'Éternité!
Dans cette privation
porteuse de larmes
où tu me condamnes,
ô toi, ma seule rose,
ô toi,mon seul salut,
dans cette mienne privation,
dis-je,
je n'ai pour témoins et amis
que les Dieux,
s'ils existent!
Que ne suis-je pas né
d'Eux
pour pouvoir
pleinement jouir
des fruits de l'Amour
sans que sur le tard
je sente la mort
peser sur mes frêles épaules!
Mais si j'étais
un Dieu,
je n'aurais pour compagnie
et amie
que Vénus,
et les alizés me berceraient
jour et nuit
de leur douce musique
de palme et de noix de coco!
MUSIQUE DE PALME
RECUEIL INEDIT