L'Antidote
Depuis que je croise le fer avec toi,
je me fais un point d'honneur
de parer à tous tes coups
par la rapière de la luxure,
par l'estoc de la liberté,
par l'arquebuse de l'ivresse!
Terribles sont les arquebusades
que je te porte,
aussi terrifiantes que des coups d'épée
dans la glace de ta poitrine
qui fond à vue d'oeil
sous la chaleur de mes canons fumants,
tous tournés contre ton coeur
insensible au soleil,
hostile à la lune lubrique
qui, pourtant, est la pièce principale
de mes armoiries de barde,
mon blason de troubadour,
mon emblème de trouvère,
mon bouclier d'aède,
mon arme de chamane,
ma cotte de mailles
de chevalier musulman,
mon feu de brahmane,
mon poignard froid de samouraï,
mon couteau de sacrifiant aztèque,
ma plume de perroquet
de cacique inca,
mon or d'empereur du Pérou,
mon chocolat de gentilhomme mexicain,
mon parfum de caravanier arabe,
mon épice de pirate malais!
Ton aversion pour la lune
tient à l'impréparation de ton esprit,
aux transmutations amoureuses
de l'alchimie du verbe
et à la porte de ton corps
résolument fermée à la mer
qui frappe avec fureur
les rocs où s'est réfugié
ton insondable orgueil castillan!
Ta colère persane
est à l'image de ton âme de fravashi
exilée parmi les amants de la vie!
La douceur des filles circassiennes
t'est odieuse,
car tu es toute amertume
d'essence d'ortie
ou de jus de cactus!
Tu te recommandes
aux divinités de Germanie
et, cependant, la tendresse
des Walkyries t'est incompréhensible!
Singulière maîtresse d'armes,
tu ne songes qu'au chien des fusils
et tu ne rêves que de poisons!
Rassure-toi, je connais l'antidote
au poison que tu verses
dans ma coupe
destinée au nectar des filles tendres:
c'est ma volupté d'étreindre,
mon bonheur de contempler,
et ma joie de respirer l'amour
que tu ne sais pas donner!
ORAGE D'HELIOTROPES
RECUEIL INEDIT