La Tentatrice


De par les dômes fulgurants
dans la fournaise d'Août,
de par les minarets
pareils aux songes des rêveurs,
de par les pagodes quiètes,
de par les fines gondoles,
de par les jonques dorées
des îles Moluques,
je te proclame, plus ou moins
qu'une Bien- Aimée,
une extraordinaire Tentatrice!


Tes longs yeux noirs
semblent promettre des ivresses persanes
ou des griseries de la Commune
ou des soûleries antiques en Campanie,
tant le vin dans lequel ils baignent
est parfumé des senteurs de ton corps,
tant l'huile de Crète
qui les imprègne
comme l'eau de mer les dauphins
s'embrase au contact de la lune,
tant le sang qui les arrose
bout dans l'amphore de ton sein
où bat un coeur inconnu,
un coeur de sphinx invaincu!


Es-tu l'énigme de la plénitude
ou le pari du pur néant?
Es-tu l'épouvante d'un saut mortel
ou la joie de le terre promise
après l'exode?


C'est que tu es une question
et jamais une réponse,
un motif de recherche
et jamais une retrouvaille!


Tu sembles promettre la folie,
mais tu n'offres que le supplice!


Du moins, es-tu aussi savante en volupté
que tu es experte en afflictions infligées?
Il semblerait plutôt
que tu sois une outre
où, entre plusieurs maux,
se seraient glissées
quelques gouttes de bonheur
comme la rosée sur le cactus
du désert mexicain!


Mais qui que tu sois,
hâte-toi de goûter à mon amour,
car plus tard tu ne récolteras
que la poussière grise
de la vallée des morts!


ORAGE D'HELIOTROPES

RECUEIL INEDIT