À la Belle de l'Île des Princes
Ô toi, fille libre
qui ne me donnes
aucun sujet d'amertume,
je voudrais te baigner
de belles-de-nuit,
afin que ton arôme,
ô sultane des parfums,
se répande jusqu'aux plus hautes
cimes des cyprès de Grèce,
et qu'il enlève l'âme
des pins penchés sur mes baies,
ainsi que le coeur des oliviers en fleurs
épanouis dans mon verger,
et qu'il emporte la raison des rossignols
qui chantent dans mon jardin de Céphisie,
tout en me tournant pour toujours
la tête!
Car tu es la belle
de mes nuits alexandrines,
si chaudes en Juillet,
la jouvencelle rose
de mes aurores d'Avril attiques,
la demoiselle fervente
de mes midis du Caire
et la dame si reposante
de mes après-midi de Mai latines!
Oui, je voudrais que,
les cheveux parés de roses trémières,
tu pénètres dans mon rêve
où je te tresserai
des couronnes de blanches violettes
d'Athènes
et des arcs de triomphe
en lilas de Pâques
et où je te dresserai des autels
ouverts de fleurs de myrtes,
afin que tu y sois adorée
à l'égal d'Aphrodite,
la Déesse favorable aux mortels!
En acceptant le mouchoir
gravé de mes initiales
que je te jetai
devant tant de dames et de messieurs,
tu m'agréas par ce geste
comme ton cavalier servant,
ton galant, ton ménestrel
et ton poète!
Par une nuit délicieuse,
comme seules savent l'être
les enivrantes nuits de Zante en Septembre,
je viendrai avec les plus habiles
et plus inspirés des musiciens
te faire une sérénade
égale en beauté
à la sérénade que le divin Mozart
fait chanter à Don Giovanni,
sous les fenêtres d'une belle,
à Naples la charmeuse
des vieux garçons!
Car je ne me pare point
d'une fausse austérité de moeurs
et avoue avoir des vues amoureuses
sur ta personne,
ô si incroyablement naïves
et ingénues
que si tu éprouvais
la même passion que moi,
tu fondrais comme neige au feu
et tu te laisserais étreindre
par mon bouillonnant désir
avec la même facilité
que le coton se laisse embraser
par la flamme!
Ô les passions du mois de Mars!
Né sous le Bélier,
je sens en moi
l'ardeur virile et amoureuse
du dieu Arès-Mars,
l'amant au fort tempérament
d'Aphrodite-Vénus,
cette divinité éprise des guerriers!
Comme un bélier immaculé,
grimpé sur un rocher nu,
je te regarde passer dans ton landau,
ô belle de l'île des Princes,
ô jeune beauté native du Bosphore,
la plus belle des mers
de ce monde, qui, je t'assure,
n'en a pas vu des plus belles,
de ce monde qui te porte
dans son sein
comme une image vivante,
conçue au Paradis des croyants!
C'est que je te pris
à un océan de flambeaux
qui tous brûlaient
en l'honneur de l'Adonis Ressuscité
en un hommage à la joie,
consécutive à la résurrection de son amoureux,
de la Déesse de Paphos!
Ô ronde de partout,
sois pour moi
le flambeau du souvenir
et la torche ardente de l'Amour!
L'ANGE DES TROPIQUES
RECUEIL INEDIT. MARS 2005